Le vendredi 24 mars 2023, l’équipe du PDR Les institutions en quête de confiance accueillait, à l’initiative de la Professeure Céline Romainville, de l’UCLouvain, l’historien de la démocratie Pierre Rosanvallon pour une conférence-débat sur son ouvrage « Le bon gouvernement ». La conférence avait lieu au studio de Flagey, à Ixelles.
À cette occasion, l’intellectuel français est revenu sur les grandes lignes de son ouvrage, dans lequel il explique les difficultés que l’on a à déterminer les conditions d’exercice d’un nouveau progrès démocratique par une incapacité à penser la montée en puissance de l’exécutif et son influence sur les principes directeurs de la démocratie. Il convient selon lui de reconstruire les traits d’une démocratie d’exercice en distinguant entre les principes d’une démocratie d’appropriation d’un côté, liés à la relation entre gouvernants et gouvernés, et les principes d’une démocratie de confiance relatifs aux qualités mêmes dont les gouvernants devraient se prévaloir, de l’autre.

Le débat, animé par Bertrand Henne, a donné lieu à l’intervention riche de trois discutants.

La parole a tout d’abord été donnée au philosophe et politologue Vincent de Coorebyter (Université de Paris Panthéon-Assas), qui a confronté les thèses de Rosanvallon à la situation belge.
Il est notamment revenu sur les limites de l’analyse d’un exécutif fort au regard de la puissance effective des présidents de partis en Belgique. Tandis que le français présente les partis comme des auxiliaires du pouvoir exécutif, le belge lui oppose le constat inverse au niveau belge, à savoir que les membres de l’exécutif sont souvent eux-mêmes les auxiliaires au service du président de parti.
Dans son intervention, le constitutionnaliste Hugues Dumont a quant à lui interrogé l’invité sur la question de savoir si un bon gouvernement supposait encore un Etat-nation à l’ère de l’intégration européenne et de la gouvernance multi-niveaux. Sa réflexion s’est dépliée au départ du constat selon lequel Rosanvallon, à travers ses différents ouvrages, témoigne d’un attachment à l’Etat-nation comme cadre de pensée de l’idéal démocratique de l’autonomie collective. L’universalisation du projet d’émancipation des femmes et des hommes ne saurait conduire à une souveraineté d’institution, mais de régulation. Elle conduit en même temps selon l’auteur de « La démocratie inachevée » a l’exigence d’un dépassement de l’idée d’une volonté nationale uniquement projective considérant la société comme une unité mobilisable par un commandement direct efficace. Si le professeur Dumont adhère à l’exigence d’une forme de volonté réflexive intégrant la division sociale comme étant l’objet du politique, elle nécessite selon lui d’intégrer la construction européenne dans la réflexion.
« S’il y a bien un acteur politique dont la vocation est de rendre une certaine maîtrise aux Etats sur leur propre devenir dans le contexte de la mondialisation et de la gouvernance à niveaux multiples dont vous mesurez parfaitement les menaces qu’elles font peser sur l’idéal démocratique de l’autonomie collective, c’est l’Union européenne », a-t-il affirmé.


Céline Romainville a clôturé cette conférence par une série de questions et considérations sur l’articulation des concepts de confiance et de responsabilité.
La constitutionnaliste a rappelé les limites de l’analyse dont ces concepts font actuellement l’objet en droit constitutionnel, en contraste avec la richesse des réflexions dans les autres sciences humaines et sociales. Proposant de dépasser la distinction opérée par Rosanvallon entre les questions de responsabilité (qui concerneraient davantage la double relation gouvernants-représentants et représentants-représentés) et les questions de confiance (qui seraient liées aux qualités des gouvernants), elle s’est interrogée sur les évolutions de l’objet de la confiance, en jeu dans les mécanismes de responsabilité politique.








